À la campagne, les chemins font partie du paysage. Mais souvent, on ne soupçonne pas les règles complexes qui les encadrent et qui sont à l’origine de nombreux conflits entre voisins ou avec la commune. Qui est propriétaire ? Qui peut passer ? Qui doit entretenir ? Autant de questions qui provoquent de nombreux litiges.
Voici l’essentiel à connaître pour comprendre les différents types de chemins et éviter les erreurs.
QUELS SONT LES DIFFÉRENTS TYPES DE CHEMINS EN MILIEU RURAL ?
Il existe plusieurs sortes de chemins, chacun encadré par des règles distinctes. Bien les comprendre, c'est le premier pas pour éviter les mauvaises surprises.
Le chemin rural : entre public et privé
Le chemin rural est l'une des voies les plus présentes à la campagne. Il se présente comme une petite route ou un sentier, généralement ouvert à tous (promeneurs, riverains, agriculteurs...). Les règles sur les chemins ruraux sont prévues aux articles L.161-1 et suivants du Code rural et de la pêche maritime.
Ce qu’il faut retenir :
- Le chemin rural appartient à la commune, mais il ne fait pas partie de la voirie communale. Autrement dit, même si la mairie en est propriétaire, il n’est ni répertorié ni entretenu comme une véritable route municipale.
- Il est ouvert à la circulation : on peut y passer librement.
- Il fait partie du domaine privé de la commune. Cela signifie que la commune peut le vendre ou l’échanger, à certaines conditions.
- La commune n’a pas l’obligation de l’entretenir. Elle ne s’en occupe que si elle a décidé de le faire, et dans ce cas elle doit assurer le suivi.
Ce statut hybride, entre privé et public, crée souvent des malentendus : certains croient que le chemin leur appartient, d’autres pensent que la mairie doit en assurer l’entretien.
Pour savoir si un chemin est rural, il faut vérifier s’il est inscrit ou non au tableau des voies communales (consultable en mairie) et s’il est librement ouvert au public.
Le chemin d’exploitation : un usage strictement réservé aux riverains
On trouve souvent ce type de chemin à la campagne, entre deux champs ou deux parcelles agricoles. Mais contrairement à ce qu’on pourrait croire, il n’est pas ouvert au public. Seuls les propriétaires ou exploitants des terrains desservis peuvent l’utiliser et chacun doit participer à son entretien en fonction de l’usage qu’il en fait. En général, il appartient aux riverains et n’apparaît pas dans les plans de la mairie. Ce type de chemin est encadré par les articles L.162-1 et suivants du Code rural et de la pêche maritime.
Ce genre de chemin peut donc être fermé par une clôture ou un portail, ce qui le distingue clairement du chemin rural, qui reste accessible à tous.
Le chemin privé : une voie strictement personnelle
Le chemin privé appartient à une personne, un particulier ou une entreprise. Il sert généralement à accéder à une maison, une ferme ou un terrain agricole. Le propriétaire peut tout à fait en fermer l’accès avec une barrière ou un portail, et refuser le passage aux personnes extérieures. Les chemins privés sont encadrés par les règles du droit de propriété (articles 544 et suivants du Code civil).
Ce type de chemin n’est pas inscrit dans les registres de la mairie et n’est pas censé être utilisé par le public.
La servitude de passage : un droit, pas un chemin
La servitude de passage n’est pas un chemin au sens classique du terme. C’est un droit qui permet à quelqu’un de passer sur le terrain d’une autre personne, parce que son propre terrain n’a pas d’accès direct à une route ou un chemin.
Ce droit, prévu aux articles 682 et suivants du Code civil, s’applique uniquement à certaines personnes, jamais au public.
La servitude de passage est précisément encadrée :
- Elle sert à rejoindre une maison, un champ ou un terrain enclavé (sans accès direct à la route),
- Elle peut être limitée à certains usages (à pied, en voiture, à certaines heures…),
- Elle est fixée par un accord (notaire, contrat) ou par un juge si les voisins ne sont pas d’accord.
Contrairement à un chemin rural ou d’exploitation, la servitude n’est pas librement accessible. Elle ne peut pas être élargie ou modifiée sans l’accord des personnes concernées.
Attention : Ce n’est pas parce qu’un chemin est visible ou utilisé depuis longtemps qu’il est forcément public. En cas de doute sur le statut d’un chemin, vous risquez des erreurs coûteuses : entretien à tort, blocage illégal, ou encore requalification par la mairie.
POURQUOI LES CHEMINS DE CAMPAGNE SONT SOURCE DE CONFLITS ?
Les chemins sont souvent à l’origine de conflits de voisinage. Et dans bien des cas, c’est parce qu’on ne sait pas exactement de quel type de chemin il s’agit. Voici quelques exemples de situations courantes qui posent problème :
On ne sait pas à qui appartient le chemin
Certains chemins sont utilisés depuis des années, mais leur statut n’est pas clair. Est-ce un chemin rural ? Un chemin d’exploitation ? Un terrain privé ? Ce flou entraîne facilement des malentendus.
Exemple : Un agriculteur pense qu’un chemin longeant son champ lui appartient. Mais comme il est utilisé librement par le public depuis longtemps, la justice estime qu’il s’agit d’un chemin rural appartenant à la commune. (Décision de la Cour de Cassation, le 15 octobre 2013, pourvoi n°12-20.886)
Dans ce type de situation, il peut être utile de consulter le tableau des voies communales en mairie et de se faire accompagner par un avocat ou un géomètre pour mieux comprendre le statut du chemin.
Le passage est bloqué par un voisin
Certains riverains pensent pouvoir restreindre l’accès à un chemin en y posant une chaîne, une barrière ou une clôture. Mais si le chemin est ouvert au public ou partagé entre plusieurs propriétaires, ces obstacles sont en principe interdits.
Exemples : Un habitant installe une chaîne en béton pour barrer l’accès à un chemin rural. Le maire intervient, et le juge ordonne de libérer le passage. (Décision du Conseil d’Etat, le 24 février 2020, n°421086)
Des riverains bloquent un chemin avec des chaînes, empêchant l’accès à des parcelles agricoles. Le juge reconnaît l’existence d’un chemin d’exploitation d’après les plans et l’usage ancien, et ordonne le retrait des obstacles. (Décision de la Cour administrative d’Aix-en-Provence, le 11 juin 2012, n°10/19036)
Lorsque l’accès à un chemin est bloqué, il faut faire constater le blocage par un commissaire de justice (anciennement huissier) ou prendre des photos. Si c’est un chemin rural, il faut informer la mairie dès que possible et saisir le tribunal administratif si aucun accord amiable n’est trouvé. Si c’est un chemin d’exploitation, il est conseillé d’envoyer une mise en demeure écrite à la personne ayant installé l’obstacle, et si aucune solution amiable n’est possible, il faut envisager une procédure devant le tribunal judiciaire.
Le chemin a été vendu alors qu’il est encore utilisé
Parfois, une commune vend un ancien chemin rural à un particulier. Mais si le chemin est encore utilisé par le public, même de manière informelle, cette vente n’est pas valable.
Exemple : Un habitant achète un ancien chemin rural. Pourtant, plusieurs personnes continuent à l’emprunter. Le juge estime que le chemin est toujours utilisé comme voie publique et annule la vente. (Décision du Tribunal administratif de Rennes , le 5 novembre 2024, n° 2203270)
Si un chemin utilisé par tous a été vendu par la mairie, il est possible de contester la vente si les règles n’ont pas été suivies (consultation des habitants, vérification que le chemin n’était plus utilisé, etc.). Un avocat peut vous aider à faire les vérifications et à demander l’annulation de la vente si besoin.
Le chemin est dégradé, mais personne ne veut le réparer
Quand un chemin est abîmé, on ne sait pas toujours qui doit s’en occuper et surtout en assumer les frais : la mairie, les riverains, ou les propriétaires concernés ? Résultat : personne ne fait rien, jusqu’à ce que le problème dégénère.
Exemples : Le mauvais état d’un chemin rural cause des pertes agricoles importantes. Le tribunal ordonne à la commune d’effectuer les réparations, estimant qu’elle a déjà engagé des travaux auparavant et donc qu’elle est tenue de continuer à l’entretenir. (Décision de la Cour administrative d’appel de Nancy , le 20 août 2024, n° 22NC01574)
Si un chemin se détériore, il faut commencer par prendre des photos et, si possible, faire constater l’état détérioré par un commissaire de justice (ex huissier). Il peut être utile de vérifier si des travaux ont déjà été réalisés par la commune ou par les riverains. Cela permet souvent d’identifier qui doit intervenir. Il est ensuite possible d’envoyer une mise en demeure à la personne concernée pour l’inciter à agir. Si rien ne bouge après la procédure amiable, une procédure administrative ou judiciaire peut être envisagée.
Les limites du chemin ne sont pas claires
Clôtures mal placées, empiètements involontaires, désaccords sur l'alignement entre voisins... Quand le tracé exact d'un chemin n’est pas clairement défini, les conflits de délimitation sont presque inévitables.
Exemple : Un plan signé entre voisins indique les limites entre leurs parcelles, mais aucune borne n'a été implantée. L’un des propriétaires engage une action en bornage pour clarifier la limite du chemin. La Cour de cassation juge que cette action est recevable, car seules des bornes physiques permettent de rendre un bornage définitif. (Décision de la Cour de Cassation, le 19 janvier 2011, pourvoi n°09-71.207)
Lorsque les limites sont incertaines, il est nécessaire de faire appel à un géomètre pour organiser un bornage amiable. En cas de désaccord, une procédure de bornage peut être engagée pour fixer les limites de manière définitive.
Bon à savoir : en cas de conflit entre voisins, la loi impose de chercher d’abord un règlement à l’amiable (médiation, conciliation ou simple négociation) avant de saisir le tribunal compétent. Pour un litige avec la commune, il est nécessaire de lui adresser un recours gracieux par courrier recommandé en indiquant la demande et en ajoutant les pièces utiles, avant de saisir le tribunal administratif.
POURQUOI FAIRE APPEL À UN AVOCAT RURALISTE ?
Un chemin a donc l’air “simple” en apparence, mais en cas de conflit, les choses peuvent vite se compliquer. Et sans aide, il est souvent difficile de savoir qui a raison.
L’avocat ruraliste connaît parfaitement les différents types de chemins et les droits qui y sont attachés. Il peut vous aider à :
- Vérifier le statut du chemin (rural, d’exploitation, privé, ou servitude),
- Identifier qui peut l’utiliser, qui doit l’entretenir, ou s’il est possible d’en limiter l’accès,
- Éviter les erreurs fréquentes, comme poser une clôture sur un chemin ouvert à tous sans le savoir,
- Préparer une action solide, pour défendre vos droits ou prévenir un litige,
- Trouver une solution amiable, avant qu’un simple désaccord ne se transforme en procédure coûteuse.
Que vous soyez propriétaire, exploitant ou voisin concerné par un chemin, l’aide d’un avocat en droit rural permet d’y voir clair et de sécuriser votre situation face aux autres usagers ou à la commune. Pour cela, vous pouvez choisir de faire appel à un avocat partenaire GASTON.
POUR RÉSUMER
- Il existe plusieurs types de chemins à la campagne : chemins ruraux, d’exploitation, privés, communaux ou soumis à une servitude.
- Chacun a ses propres règles : à qui il appartient, qui peut l’emprunter, qui doit l’entretenir.
- Ces différences sont souvent mal connues et provoquent des conflits entre voisins ou avec la mairie.
- Les erreurs sont fréquentes : bloquer un passage sans droit, vendre un chemin encore utilisé, refuser de l’entretenir…
- L’intervention d’un avocat ruraliste permet de sécuriser sa situation et d’éviter des litiges coûteux.
Questions-réponses
Comment savoir à qui appartient un chemin de campagne ?
Le plus simple est de vérifier en mairie s’il figure au tableau des voies communales. S’il n’y est pas inscrit mais reste ouvert à tous, il s’agit probablement d’un chemin rural. Dans les autres cas, il peut être privé ou d’exploitation.
Puis-je bloquer un chemin qui longe ma parcelle ?
Non, sauf s’il vous appartient en propre. Un chemin rural est accessible au public, et un chemin d’exploitation doit rester ouvert aux autres propriétaires desservis. Toute fermeture peut être contestée.
Qui doit entretenir un chemin rural ou d’exploitation ?
La commune n’est pas obligée d’entretenir un chemin rural, sauf si elle l’a déjà fait. Un chemin d’exploitation est à la charge des propriétaires concernés, même s’ils ne l’utilisent pas.
Et si le chemin n’est plus entretenu depuis des années ?
Ce n’est pas forcément un abandon. Il faut vérifier si la commune ou les propriétaires concernés restent responsables. En cas de doute, mieux vaut consulter un avocat.
Que faire en cas de litige avec un voisin ou la mairie ?
Les situations varient selon le type de chemin. Un avocat en droit rural pourra vous aider à identifier le statut du chemin et vous défendre en cas de blocage ou de désaccord.