Dans la situation où un exploitant agricole va mettre en valeur les terres d’un propriétaire foncier, le cadre contractuel le plus courant reste le bail rural.
La durée du bail constitue un paramètre essentiel. Elle influence directement la stabilité de l’exploitation, le contenu du contrat et, parfois, la fiscalité du bailleur.
Plusieurs options existent, les plus connues étant le bail rural classique de 9 ans, appliqué par défaut, et le bail rural à long terme, durant au minimum 18 ans, plus encadré.
Ce guide compare ces deux types de baux à travers leurs points communs, leurs différences et leurs intérêts concrets pour les parties.
QUELS SONT LES POINTS COMMUNS ENTRE LE BAIL RURAL CLASSIQUE ET LE BAIL RURAL À LONG TERME ?
Le bail rural classique s’applique par défaut. Il dure au minimum 9 ans, même en l’absence de contrat écrit. Le bail rural à long terme dure au moins 18 ans et est choisi volontairement par les parties.
Quel que soit le type de bail choisi, il sera soumis au statut du fermage. Plusieurs règles de base s’appliquent :
- Le bien mis à disposition doit être agricole : terres, bâtiments d’exploitation ou logements liés à l’activité.
- Un loyer est toujours prévu : on parle de fermage, fixé selon un barème départemental et révisé chaque année selon un indice officiel.
- Le preneur (le locataire) doit exploiter personnellement le fonds, sauf autorisation ou dérogation prévue par la loi.
- Le congé pour mettre fin au contrat doit être donné 18 mois avant la fin du bail, que ce soit par le bailleur ou par le preneur. S’il émane du bailleur, il doit être motivé, c’est-à-dire justifié par un motif prévu par la loi.
- Le preneur doit s’affilier à la MSA dès que son activité atteint un certain seuil minimal, défini par critères de surface, heures de travail ou revenus, pour couvrir sa protection sociale.
- Un droit de préemption s’applique : le preneur peut acheter en priorité si le bien loué est mis en vente.
- Le bail peut être transmis à un membre de la famille proche (conjoint, partenaire de Pacs ou enfant majeur), à condition qu’il participe à l’exploitation et que le bailleur donne son accord ou, à défaut, que le juge l’autorise.
- Le statut du fermage interdit certaines clauses, notamment celles contraires aux droits de base du fermier (durée minimale, droit de préemption, droit au renouvellement...).
QUELLES SONT LES DIFFÉRENCES ENTRE LE BAIL RURAL CLASSIQUE ET LE BAIL RURAL À LONG TERME ?
Durée et renouvellement : un engagement par étapes ou un cadre sécurisé
- Bail rural classique : conclu pour une durée minimale de 9 ans, il se renouvelle automatiquement pour la même durée en l’absence de congé notifié 18 mois avant l’échéance. Le preneur peut y mettre fin tous les trois ans. Le bailleur peut donner congé uniquement à l’échéance du bail, pour des motifs légaux strictement encadrés.
- Bail rural à long terme : conclu pour au moins 18 ans, il se renouvelle automatiquement pour 9 ans si aucun congé n’est notifié dans les délais. Le preneur ne dispose d’aucune faculté de résiliation triennale. Le bailleur peut, comme dans le bail classique, donner congé à l’échéance, sous réserve d’un motif légal.
Pour le bailleur, les deux baux permettent de donner congé à l’échéance, sous réserve de motifs légaux. Le bail à long terme, en encadrant davantage les possibilités de rupture anticipée, assure une occupation plus stable sur la durée.
Pour l’exploitant, le bail classique offre déjà une stabilité appréciable avec ses 9 ans renouvelables, tout en lui permettant de mettre fin au bail tous les trois ans, ce qui peut être utile pour ajuster son projet.
Formalités du bail : des niveaux d’exigence différents
- Bail rural classique : par principe, le bail doit être conclu par écrit. Toutefois, un accord verbal peut suffire à établir un bail valable si les conditions du statut du fermage sont réunies (bien agricole, exploitation personnelle et contrepartie). Le recours au notaire est facultatif. Ce formalisme plus léger facilite la conclusion du bail, mais l'absence d’écrit peut compliquer la preuve en cas de litige.
- Bail rural à long terme : il doit être établi par acte notarié (rédigé par un notaire) et publié au service de publicité foncière. Cela lui confère une date certaine et une force probante renforcée.
Le bail rural classique, plus simple à conclure et sans obligation de recourir à un notaire, se met en place facilement mais peut poser des difficultés en cas de litige s’il n’est pas formalisé. Il peut être sécurisé s’il est établi par écrit, publié au service de publicité foncière ou rédigé par un notaire, afin de lui conférer une date certaine et une force probante renforcée.
Le bail à long terme, obligatoirement notarié et publié, offre un cadre juridique plus solide et sécurisé, utile pour s’engager sur la durée.
Fiscalité et transmission : des avantages réservés au bail à long terme
- Bail rural classique : pas d’avantages fiscaux particuliers pour le bailleur. La donation ou la succession du bien n’est pas allégée.
- Bail rural à long terme : il permet, sous conditions, des exonérations partielles de droits de donation ou de succession pour le propriétaire, ainsi qu'une réduction possible de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI).
Pour le bailleur, le bail rural classique n’ouvre droit à aucun avantage fiscal spécifique. Le bail à long terme, lui, aide à transmettre le bien dans de bonnes conditions tout en assurant un revenu régulier..
Pour le preneur, un bail à long terme réduit le risque de rupture anticipée du contrat lors d'une succession, en rendant la conservation du bien plus avantageuse pour les héritiers. Il assure ainsi une plus grande stabilité de l’exploitation dans la durée.
Cession du bail et vente du bien mis à disposition : un cadre commun, avec plus de marge de manœuvre pour le bail à long terme
- Bail rural classique : la cession du bail est en principe interdite, sauf dans le cadre familial (descendant, conjoint, partenaire de PACS ou associé). Elle doit respecter des conditions strictes. En cas de vente du bien, le bail continue avec le nouvel acquéreur, à condition qu’il ait une date certaine.
- Bail rural à long terme : il suit les mêmes règles que le bail classique pour la transmission dans le cadre familial. Il peut également être transmis à une personne extérieure à la famille, si cela est expressément prévu dans le contrat : on parle alors de bail cessible hors cadre familial. À l’inverse, des restrictions peuvent être prévues, notamment en cas de décès du fermier. Établi obligatoirement par acte notarié et publié, le bail à long terme s’impose au nouveau propriétaire en cas de vente du bien.
Pour le bailleur, le bail rural classique permet une reprise plus aisée. Le bail à long terme autorise une personnalisation des conditions de cession du bail, mais nécessite un engagement plus ferme.
Pour le preneur, le bail classique permet une cession dans le cadre familial, sans possibilité d’aménagement contractuel. Il peut être publié pour se protéger en cas de vente. Le bail à long terme, quant à lui, garantit une continuité en cas de changement de propriétaire, grâce à sa publication, tout en permettant, selon les clauses, d’étendre ou de restreindre les conditions de cession.
Fermage : un encadrement commun, quelques différences
- Bail rural classique : le fermage est fixé selon un barème défini par arrêté préfectoral, avec des plafonds stricts. Il est révisé chaque année selon un indice national (indice national des fermages), les majorations sont limitées à certains cas définis par arrêté préfectoral.
- Bail rural à long terme : le fermage est soumis aux mêmes règles, mais certains départements autorisent une majoration encadrée, généralement de 10 à 20 %. Cette majoration compense la durée d’engagement prévue par le bail. Le fermage reste néanmoins plafonné et révisable chaque année. Dans le cas d’un bail cessible hors cadre familial, une majoration spécifique, encadrée par la loi (jusqu’à 50 %), peut également s’appliquer si elle est prévue dans le contrat.
Pour le bailleur, le bail à long terme peut se révéler plus avantageux lorsque la majoration locale est autorisée, lui permettant d’augmenter modérément son revenu foncier.
Pour le preneur, le bail à long terme garantit une visibilité sur la durée, mais cette stabilité peut s’accompagner d’un loyer légèrement plus élevé, en cas de majoration autorisée ou prévue au contrat. Le bail classique, quant à lui, bénéficie d’un encadrement strict du fermage, avec des possibilités de majoration plus rares et plus limitées.
POUR RÉSUMER : QUEL BAIL CHOISIR ?
Le choix entre un bail rural classique et un bail à long terme dépend des objectifs des parties et de la nature du projet agricole.
Pour le bailleur :
- le bail rural classique est adapté si le bien est mis en location dans une perspective de gestion courante ou de mise en valeur progressive, tout en conservant certaines possibilités d’évolution patrimoniale.
- le bail à long terme est pertinent pour stabiliser l’exploitation sur le temps long, sécuriser le revenu foncier, et préparer la transmission du bien avec des conditions fiscales avantageuses.
Pour le preneur :
- le bail rural classique convient si le projet est établi, avec une visibilité raisonnable, mais sans nécessité immédiate d’immobiliser des capitaux importants.
- le bail à long terme est préférable si l’exploitation suppose des investissements significatifs, des financements bancaires ou une vision de développement agricole sur plusieurs décennies.
Bon à savoir : quel que soit le bail choisi, il est fortement recommandé de le rédiger par écrit, de respecter les délais de congé, et de vérifier les plafonds de fermage fixés par arrêté préfectoral dans votre département.
QUESTIONS-RÉPONSES
Est-ce que je peux passer d’un bail de 9 ans à un bail à long terme ?
Oui, à condition que les deux parties soient d’accord. Il faudra alors rédiger un nouveau bail, avec les formalités propres au bail à long terme (acte notarié, publication…).
Le bail de 9 ans est-il forcément renouvelé ?
Oui, sauf si l’une des parties donne congé dans les délais. Sans congé notifié au moins 18 mois avant la fin, le bail est automatiquement renouvelé pour 9 ans.
Puis-je conclure un bail de 18 ans sans passer par un notaire ?
Non. Le bail de plus de 12 ans doit obligatoirement être établi par un notaire et publié, donc le bail à long terme doit l’être. C’est ce qui lui donne une date certaine et une valeur opposable aux tiers.
Le bail de 18 ans permet-il de fixer un fermage plus élevé ?
Dans certains départements, oui. Des arrêtés préfectoraux peuvent autoriser une majoration du fermage pour les baux à long terme. Il faut vérifier localement.
Sources
- Articles L411-1 à L418-5 du Code rural et de la pêche maritime (CRPM) : statut du fermage.
- Article L411-5 CRPM : durée minimale du bail rural.
- Article L411-35 CRPM : encadre les conditions de cession du bail au sein de la famille.
- Article R411-10 CRPM et suivants : modalités de fixation et de révision du fermage selon l’indice national.
- Articles L416-1 et suivants CRPM : baux à long terme (18 ans et plus).
- Articles L. 418‑1 à L. 418‑5 CRPM : baux cessibles hors cadre familial.
- Article L411-47 CRPM : préavis de 18 mois pour congé.
- Article L412-8 CRPM : droit de préemption du preneur.
- Article 793 bis CGI : exonérations fiscales pour les baux à long terme.
- Article 975 III CGI : abattement IFI pour les terres données à bail.